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A t’on le droit de faire l’amour au travail ?
Le cœur a parfois ses raisons que la raison elle-même ignore… Mais que dit précisément le code du travail en cas de coup de foudre entre collègues ? A l’occasion de la Saint-Valentin, votre Union Régionale d’Ile-de-France fait le point sur le thème de « l’amour au travail ».
D’après une étude réalisée par Meetic en France en 2020, 37% des célibataires pensent pouvoir trouver l’amour au bureau. Chouette nous direz-vous ! Mais, l’étude de la British Marriage Foundation précise que les couples formés au bureau se séparent davantage quand la relation est plus longue avec un taux de 23% au bout de 10 ans.
Les témoignages en ligne sur le thème de l’amour au travail sont nombreux et font parfois rêver :
« Elle m’a tout de suite plu, mais c’était ma patronne, dur de la séduire »
« Je l’ai vu, je l’ai repéré, j’attendais une occasion de lui parler et depuis 20 ans, on est marié ! »
« On s’est rapprochés lors d’une réunion syndicale »
Mais les conséquences d’une relation au travail sont nombreuses et encore davantage quand cette dernière se termine mal. Comment gérer les conflits “collègues/amants” ? Comment garantir le bon fonctionnement de l’entreprise quand l’idylle s’arrête ? Où se situe la limite entre séduction et harcèlement sexuel ?
Alors, avant de passer du fantasme à la réalité et céder aux flèches de Cupidon en milieu pro, découvrez ce que prévoit la loi, les jurisprudences et comment concilier vie privée et vie professionnelle.
LA FRONTIERE VIE PRIVEE / VIE PROFESSIONNELLE
Sur la notion de vie privée, l’article 9 du Code Civil dispose que « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Ainsi, l’employeur ne peut en aucun cas s’immiscer dans votre vie personnelle si vous veniez à rencontrer l’âme sœur sur votre lieu de travail et encore moins vous sanctionner.
Selon l’article L.1132-1 du Code du travail, « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (…) en raison de ses mœurs ou de son orientation sexuelle (..) ou de sa situation de famille (…) ».
Par extension, cet article protège également la vie sentimentale du salarié comme en témoigne le jugement de la cours de Cassation du 21 décembre 2006 (Cass. Soc. 21 décembre 2006 n°05-41140) qui précise que le seul fait de l’existence d’une liaison entre deux salariés ne justifie pas un licenciement de ces derniers.
MON PATRON PEUT-IL ANTICIPER ?
Soucieux de garantir le bon fonctionnement de l’entreprise, l’employeur pourrait être tenté d’anticiper ou réguler les relations professionnelles en amont. Mais là encore, le code du travail est très précis.
L’article L.1132-1 du Code du travail prohibe toute discrimination sur la situation de famille et interdit à l’employeur l’ajout d’une clause dans le contrat de travail visant à encadrer les relations. La Cour de Cassation a précisé que les clauses de célibat, interdisant le mariage ou le remariage des salariés, portaient atteinte à la liberté du salarié (Cour de Cassation, Chambre sociale, du 7 février 1968, 65-40.622).
Quant au règlement intérieur visant à réguler les relations en interne, ce dernier ne doit pas apporter aux droits des personnes des restrictions excessives. Ainsi, et selon l’article L.1121-1 du Code du travail, « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
LE SALARIE EST-IL TENU A CERTAINES OBLIGATIONS ?
Tout comme le patron est tenu de respecter la vie privée du salarié, ce dernier se doit d’adopter une attitude professionnelle dans l’exercice de son métier. Un devoir de réserve est ainsi attendu de la part de tous les collaborateurs au risque de se voir sanctionné.
Encore une fois, c’est un principe de bon sens qui s’applique et surtout la notion d’atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise qui doit prévaloir.
Ainsi, il est interdit d’abuser des moyens professionnels mis à disposition dans un but autre que professionnel. Même si techniquement parlant il est possible de s’octroyer une pause de 20 minutes pour au moins 6 heures de travail, tout n’est pas permis.
Le bureau ne doit pas être confondu avec la chambre à coucher (même si le télétravail est rentré dans les mœurs), tout comme l’avancement doit répondre à des critères objectifs et non subjectifs.
La promotion dite « canapé » est condamnée par la loi en vertu de l’article L.1134-1 du code du travail en s’appuyant sur le fait que l’attribution d’un avancement se doit de reposer sur des considérations étrangères à toute discrimination.
SEDUCTION ET HARCELEMENT SEXUEL…
A une époque où les #metoo se multiplient, il convient de rappeler que l’employeur à une obligation légale de protéger les salariés (L.4121-1 du code du travail) et que la frontière entre séduction et harcèlement sexuel est très mince.
Ainsi, et même si les salariés sont libres d’entretenir des relations amoureuses au travail, l’URIF CFTC insiste sur le fait que les notions de réciprocité et de consentement sont essentielles comme le rappel la cour de cassation dans son arrêt du 25 septembre 2019 (n°17-31171).
Vous l’aurez compris ! Même si les salariés sont libres d’entretenir une relation, le bon fonctionnement de l’entreprise doit être assuré et l’envie partagée.